La Réserve royale de chasse
Au milieu du XIXème siècle, cette vaste région montagneuse appartenait au "Royaume de Piémont-Sardaigne". Le souverain régnant, Vittorio-Emmanuel II, appelé également "le Roi Chasseur", fut le premier à se préoccuper de la sauvegarde de ces territoires pour des raisons cynégétiques.
S'apercevant que les effectifs de chamois ne cessaient de décroître et que le bouquetin avait été éliminé, le Roi décida de créer le 26 décembre 1859 une "Réserve royale de chasse" sur les massifs du Mercantour et de l'Argentera.
Du traité de Turin aux chasses royales de la Couronne d’Italie
Lors du "Traité de Turin" du 24 mars 1860, à la demande du souverain italien, Napoléon III abandonna les communes de Tende et La Brigue et le nord des communes de Saint-Martin-Vésubie, Valdeblore, Belvédère et Isola. La délimitation fixée par la convention d'application du 17 mars 1861 maintint donc sous la souveraineté italienne le versant sud du massif qui allait former les « Chasses royales de la Couronne d’Italie ».
A partir de 1900, Vittorio-Emmanuel III, qui hérita du Royaume d’Italie, fut à l’origine de la réintroduction de 23 bouquetins dans le massif de l’Argentera-Mercantour. Après 11 années d’efforts de réintroduction, de 1921 à 1932, quelques individus arrivèrent à survivre et à se reproduire.
La Réserve du Lauzanier
La richesse naturelle du secteur du Lauzanier n’avait pas échappé à de nombreux naturalistes (notamment Pierre Marie qui y étudiait la marmotte) qui tentèrent de la protéger.
Le 29 novembre 1935, la Commission des Réserves de la Société Nationale d’Acclimatation de France (ancêtre de l’actuelle Société Nationale de la Protection de la Nature) adoptait le règlement de la réserve du Lauzanier. Le règlement avait pour but d’en protéger la faune et la flore, de développer le goût et le respect de la nature et de faciliter les recherches et pratiques se rapportant à la nature.
La réserve était surtout célèbre pour sa flore. De nouvelles espèces d’insectes, et notamment de coléoptères, y avaient été découvertes, et le chat sauvage était signalé.
Hostilités de 1939-1945 et après-guerre
L’entrée de l’Italie dans la Triple Alliance (avec l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie) en 1882 fut à l’origine d’un premier renforcement militaire de la frontière.
La revendication affichée en 1928 par Mussolini de récupérer le Comté de Nice fit que c’est sur cette frontière sud-est que furent réalisés les premiers ouvrages de la ligne Maginot.
Lorsque Mussolini déclara la guerre à la France en juin 1940, le chamois, protégé pendant plus de 80 ans, abondait sur ces massifs. L’offensive italienne de juin 1940 fut repoussée par l’Armée des Alpes (Authion, Saorge, Fontan), et ce fut d’ailleurs un des rares succès militaires français avant l’armistice de 1940.
En avril 1945, le Mercantour et notamment l’Authion, fut le théâtre de violents affrontements dont les stigmates sont encore visibles sur certains forts.
A la fin des hostilités, la population de chamois du massif était réduite à environ 300 individus et les bouquetins à moins de 50 suite à de massives destructions de la part des militaires et des populations locales.
Le 10 février 1947 fut signé le traité de paix entre les Alliés et l’Italie. Le versant méditerranéen du massif de l’Argentera-Mercantour (communes de Tende et la Brigue et territoires cités plus haut) fut restitué à l’Etat français.
La situation du gibier s’aggrava puisque ce territoire fut laissé de 1945 à 1953 sans aucune surveillance et de nombreux animaux furent éliminés par le braconnage.
La Réserve de chasse du Boréon
La « Réserve de chasse du Boréon », d’une superficie de 3 500 ha sur la seule commune de Saint-Martin-Vésubie, fut instituée le 30 juillet 1947. Cet arrêté suivait alors une motion prise par le Conseil Général des Alpes-Maritimes le 20 novembre 1946, qui faisait état d'une demande de création, dans le secteur du Boréon, d’un « parc à la façon des parcs nationaux américains pour la protection du site, de sa flore et de sa faune ».
Dès le 5 mars 1947, la création d’un parc national de 9 800 ha était préconisée. Sa taille fut considérablement réduite sur la demande des chasseurs, au motif que les braconniers italiens pourraient trop facilement profiter de l’effort de protection français.
La Réserve nationale de chasse du Mercantour
En 1949, les autorités italiennes créèrent à leur tour sur le flanc septentrional du massif du Mercantour une vaste réserve de chasse de plus de 20 000 ha, la « Réserve de Valdieri-Entracque ».
En France, par l’arrêté préfectoral du 1er juin 1950, la « Réserve de chasse du Boréon » fut remplacée par la « Réserve de chasse d’intérêt national du Mercantour » concernant les communes de Belvédère (400 ha), Saint-Martin-Vésubie (4 800 ha) et Valdeblore (3 100 ha), soit un total de 8 300 ha, complétés par la suite par une réserve de 1 300 ha sur Tende, pour arriver à une réserve de chasse de 9 600 ha.
La gestion de la réserve fut confiée à la Fédération Départementale des Chasseurs des Alpes-Maritimes, sous le contrôle de l’Administration des Eaux et Forêts et du Conseil Supérieur de la Chasse.
Le 27 avril 1953, le Ministre de l’Agriculture prononça, par un arrêté, la mise en réserve de 8 963 ha dans les communes de Saint-Martin-Vésubie, Valdeblore, Tende et Belvédère pour une durée de 20 ans, à compter de ce jour-là.
Le 22 juillet 1959, un deuxième arrêté ministériel joignit à la réserve déjà créée de 2 237 ha de nouveaux territoires de la commune d’Isola, pour atteindre une surface de 11 200 ha.
Le 14 août 1964, un troisième arrêté ministériel agrandit encore cette réserve pour une durée de 9 ans jusqu’au 27 avril 1973 et l'étendit aux communes de Saint-Etienne-de-Tinée et Saint-Dalmas-le-Selvage, pour atteindre un total théorique de 22 456 ha.
Dans les faits, la superficie réellement protégée s’établissait à 526 ha.
Le 21 février 1974, un arrêté du Ministre de la Protection de la Nature et de l’Environnement recréa, pour une durée de 6 ans renouvelables, l’ancienne réserve d'un total de 18 635 ha. Cet arrêté ministériel donnait au Parc un statut de réserve nationale et sa gestion en fut confiée à l’Office National de la Chasse.
Le 29 octobre 1976, un arrêté fut signé pour réduire la réserve à 11 300 ha.
Création du Parc national du Mercantour : 33 ans de gestation
Le 22 avril 1960, le Conseil Général des Alpes-Maritimes vota une nouvelle motion pour demander la création d’un Parc national de Tende à Isola, englobant la réserve de chasse du Mercantour et les vallons de Castérino, de Fontanalba et des Merveilles.
Le 12 mai 1960, le Préfet Moatti fit un rapport au Gouvernement concluant à la nécessité de créer un Parc national dans le département. Il proposa même de l’étendre vers l’ouest jusqu’à la limite du département et vers le sud jusqu’au plateau de la Ceva et la forêt du Caïros.
En janvier 1961, un premier dossier de projet de Parc national du Mercantour fut transmis au Ministère de l’Agriculture.
Le 15 mars 1962, le Premier Ministre Michel Debré demanda au ministre de l’Agriculture de faire aboutir le projet de création du « Parc national du Mercantour ».
En 1964, le projet de « Grand Parc national du Mercantour » se heurta à l’opposition des chasseurs et des communes concernées.
Le rapport de M. Bergogne mit en évidence la valeur du patrimoine du Mercantour, souligna les difficultés posées par les projets de développement touristique et proposa la création d’un grand Parc de 48 700 ha et d'une zone périphérique de 137 000 ha.
Monsieur Jacques Florent fut le 1er octobre 1973, chargé de mission auprès du Préfet des Alpes-Maritimes pour la création du Parc national du Mercantour.
L’avant-projet de création du Parc national dans le Mercantour présenté aux collectivités locales en août 1976 fut rejeté par 26 communes sur 29 concernées.
Le 18 août 1979, le décret portant création du Parc national du Mercantour (décret n° 79-696 du 18 août 1979) fut enfin signé par le Premier Ministre Raymond Barre et onze de ses ministres, et publié au Journal Officiel le 21 août 1979. C’était le 6ème Parc national français. Sa gestation aura duré 33 ans, si on se réfère au premier acte officiel, c'est-à-dire la motion prise par le Conseil Général des Alpes-Maritimes le 20 novembre 1946.
Et l'aventure ne faisait que commencer...